PROPOSITIONS POUR ENCOURAGER LE DEVELOPPEMENT DE LA BICYCLETTE EN FRANCE
Rapport parlementaire de Brigitte LE BRETHON
4. Pour une stratégie nationale en faveur du développement du vélo

L’état des lieux de la politique en faveur de la bicyclette en France nous a permis de constater que l’action à tous les échelons de l’architecture républicaine existait mais que la dispersion était importante et surtout préjudiciable à l’identification d’une stratégie claire.

Il y a donc urgence à coordonner et à valoriser la cohérence des actions engagées.

-Pour ce faire, il faut fixer des objectifs et élaborer des orientations
Les mesures définies dans le cadre du "Plan d'action en faveur du vélo", décidé lors du séminaire gouvernemental sur le Développement durable en novembre 2002, ainsi que la nomination récente d'un chargé de mission vélo au ministère de l'Ecologie et du développement durable, en charge de la coordination de schémas régionaux Vélo routes/Voies Vertes, confirment l’intérêt du Gouvernement et la prise en compte de cet outil de développement et d’aménagement du territoire.
-Mais elles ne sauraient constituer, seules, une véritable politique du vélo dans notre pays.
-La suppression, dans le budget 2004, des crédits pour les réalisations dans le cadre des PDU et donc de l’éligibilité aux aides de l’Etat des aménagements en faveur du vélo dans les agglomérations (à hauteur de 35 %), ne constitue pas un signe de la volonté de l’Etat d’accompagner les efforts des collectivités locales et d’accélérer le rythme des réalisations.
-Le vélo reste sous estimé comme outil des politiques publiques actuellement engagées par le gouvernement : santé publique, sécurité routière, développement durable.
Nous proposons, pour signifier une prise en compte du vélo dans ces politiques publiques et la volonté du Gouvernement d’accentuer son développement, de fixer des objectifs nationaux quantifiés,
à l'instar des démarches engagées par plusieurs pays européens, comme l'Allemagne et la Grande-Bretagne. Il s'agirait, notamment, de se donner les moyens d'arriver à une part de 10% des déplacements effectués à vélo en ville en 2010. Cet objectif ne paraît pas irréaliste puisqu’il correspond déjà à ce qu’un certain nombre de PDU annoncent…

Pourquoi un objectif quantifié ?
-Fixer un objectif quantifié d’augmentation de la part modale du vélo permet :
• d’atteindre un objectif global d’amélioration de la sécurité routière. Une ville cyclable, une route où la circulation des cyclistes est prise en compte, offrent un cadre plus sûr pour les déplacements à pied et à vélo mais également en voiture.
-d’inviter l’ensemble des partenaires – ministères, collectivités territoriales - à définir les actions et les moyens financiers de parvenir, chacun dans son domaine de compétence, à atteindre cet objectif : Les ministères concernés définiront leur programme d’actions, de même que les collectivités territoriales, chacun s’engageant également à l’exemplarité « chez soi » en initiant des actions en faveur du vélo à l’attention de ses personnels notamment.
• de transformer un mot d’ordre national en une politique impliquant l’ensemble des acteurs.
-Comme le soulignait le Ministre des Transports néerlandais en 1999 à l’occasion de la publication du « Bicycle Master Plan », « le vélo profite d’une politique intégrée, d’une division fonctionnelle des tâches et des rôles, d’une collaboration efficace à tous les niveaux de responsabilité politique (échelon national, régional et local).
-L’implication des usagers, représentés par leurs associations, garantit l’efficacité dans la réalisation et le suivi ».
-La création d’une mission interministérielle chargée de mettre en œuvre la stratégie nationale en faveur du vélo, permettrait d’assurer la coordination des initiatives, la cohérence des politiques nationales, le respect des engagements et la mobilisation des moyens nécessaires à la réalisation de cet objectif.
Le cadre de compétences et de références de cette mission nationale vélo nous paraît être situé au ministère de l’Equipement, du logement, des transports, de la mer et du tourisme où existe déjà un pôle de compétences sur la bicyclette.
-Les autres ministères concernés pourraient apporter leur contribution à la constitution de cette administration de mission par détachement de personnels. La mission vélo routes et voies vertes qui a démarré en début d’année 2003 serait bien évidemment intégrée à cette mission nationale vélo. Le travail inter administrations centrales du MELTMT, ainsi que le réseau des correspondants vélo dans les DDE seraient optimisés.
-Mais nous suggérons que le responsable de cette mission soit nommé par le Premier Ministre, tirant sa légitimité de cette désignation, signe d’une volonté forte de l’Etat d’accélérer le développement du vélo dans notre pays. En la matière, l'exemple de la sécurité routière constitue la bonne référence.
-Au début des années 70, la France battait des records en matière d'insécurité routière, les statistiques montrant à l'été 1972 que nous nous orientions vers le chiffre de 20.000 tués par an si rien n'était entrepris d'efficace.
-Il existait pourtant une mission interministérielle, mais le peu de moyens et d'autorité dont elle disposait traduisait le caractère non prioritaire de cette question à une époque où rien ne devait être entrepris qui pouvait gêner en quoi que ce soit le développement de l'automobile. C'est en fait la crainte de voir augmenter trop fortement le coût des assurances, comme conséquence de l'augmentation rapide du nombre des accidents, qui, en mettant ainsi en cause le devenir de l'industrie de l'automobile, a décidé le Gouvernement à réagir.
-Ce fut la dernière mesure du Gouvernement Chaban-Delmas que de mettre en place le 5 juillet 1972 la Délégation à la Sécurité Routière et de nommer un "Monsieur Sécurité".
-Cette structure, placée sous l'autorité du Premier Ministre, avait pour caractéristique de fonctionner comme une administration de mission, disposant essentiellement d'un budget voué à la communication auprès du grand public et aux frais de fonctionnement réduits à l'engagement de quelques contractuels, la grande majorité du personnel composant cette Délégation étant des fonctionnaires détachés et mis à disposition par leur administration d'origine. Placée ainsi dans les meilleures conditions pour agir efficacement, la Délégation à la Sécurité Routière a réussi, en quelques années, à prendre des mesures (limitation de vitesse, contrôle de l'alcoolémie, port obligatoire de la ceinture) qui ont entraîné une baisse rapide et spectaculaire du nombre des victimes, puisque le nombre annuel des tués fut ramené en cinq ans de 17.600 à 12.500

4.1 Une mission nationale vélo
-chargée de coordonner, animer, impulser Nous préconisons de fixer une durée de vie déterminée à la structure de la mission interministérielle pour le vélo.
Il ne s'agit pas en effet d'encourager la création d'une structure administrative appelée à perdurer et à constituer un coût pour la collectivité au delà de la mission qui lui est impartie.
-Nous pensons qu'une mission dont la durée serait limitée à cinq ou six ans, avec des objectifs d'augmentation significative de la part modale du vélo – par exemple 10% en 2010 (soit un doublement de la part actuelle en moyenne nationale) - serait réaliste et comprise du grand public et cela d'autant plus que la légèreté de la structure en matière budgétaire sera garantie.
-L'énumération des missions qui seraient confiées à cette Mission interministérielle et à la personne qui serait placée à sa tête par le Premier Ministre, que nous appellerons pour simplifier "Monsieur (ou Madame) Vélo", suffit à démontrer qu'il est indispensable de mettre en place une telle structure et de la doter de l'autorité et de la compétence nécessaires.
-Mais avant tout, la mission première d’une telle entité serait précisément d’examiner les mesures à mettre en œuvre, d’identifier les besoins financiers, d’établir un calendrier opérationnel et réaliste.
-Les initiatives pouvant favoriser le développement de l'usage de la bicyclette étant éparpillées dans différents départements ministériels, il convient tout d'abord de coordonner ces actions et de leur donner de la cohérence dans le cadre d’un plan national ou d’une stratégie nationale pour le développement du vélo.
-Monsieur Vélo aura donc pour tâche première de mettre en œuvre cette stratégie, annoncée et définie par le Premier Ministre.
-Il devra la relayer, la développer, en rassemblant notamment les différentes enquêtes permettant de mieux orienter cette politique, en mettant parallèlement en place des outils de suivi et d’évaluation permettant de mesurer à court terme l'impact des mesures mises en œuvre et d'être le plus réactif possible pour atteindre les objectifs fixés.
-Ce travail de coordination devra bien évidemment allier autorité et souplesse dans les relations avec les différents départements ministériels pour que chacun se sente motivé dans la mise en œuvre de cette politique, sans se sentir dépossédé de ses prérogatives.

4.2. Les relations avec les collectivités territoriales et les associations

-La nomination d'un Monsieur Vélo, connu du grand public et des autorités administratives, suppose que celui-ci se rende au maximum sur le terrain pour marquer l'engagement et l'implication de l'Etat dans cette politique et faire connaître les expériences les plus abouties, ce qui motive les responsables locaux, fournit l'occasion d'actions de communication et surtout doit permettre d'accélérer la diffusion des « bonnes pratiques » auprès d'autres villes et d'autres départements.
-Ces déplacements doivent être l'occasion d'une rencontre avec les autorités administratives, les élus et les associations concernées et peuvent constituer une bonne méthode pour réanimer les initiatives anciennes qui prévoyaient telle ou telle action ou telle ou telle mesure en faveur du vélo et qui n'avaient pas été vraiment suivies d'effet.
-L'exemple montre, en effet, que ce type de réunion, provoquée de l'extérieur, constitue souvent une première au cours de laquelle des structures ou des personnes poursuivant le même objectif, en l'occurrence le développement de l'usage de la bicyclette, peuvent être conduites à se rencontrer pour la première fois.
L'objectif assigné à la Mission Interministérielle sera de provoquer des déplacements et des réunions dans chacun des départements. Il est à noter que cette action pourrait parfaitement tracer les contours d'une sorte de "politique pilote en matière de décentralisation" et notamment pour la bonne juxtaposition des compétences respectives des différents niveaux d'autorité depuis les communes jusqu'à l'Etat, en passant par les départements et les régions, sans parler des structures intercommunales.
Les exemples étrangers montrent bien l'implication de ces différents niveaux pour la mise en œuvre des schémas nationaux favorisant le développement de l'usage de la bicyclette.

4.3. L'inventaire et le suivi des mesures

-Evidemment, le travail permanent d'une telle structure va consister à mettre en exergue les mesures les plus efficaces pour favoriser le développement de l'usage de la bicyclette et faire en sorte qu'elles soient effectivement mises en œuvre.
-Pour l'aider dans cette tâche, Monsieur Vélo devra être secondé par un spécialiste de l'équipement et de l'urbanisme afin que soit définie le plus clairement possible une politique d'infrastructures et d'accueil.
-Beaucoup a déjà été fait, mais l'expérience montre qu'il n'existe pas encore de solutions pleinement satisfaisantes, notamment en matière de stationnement et de lutte contre le vol.
-Dans le cadre de cet inventaire des mesures à mettre en place, il y a évidemment lieu à réfléchir au volet concernant le Code de la Route et le souci d'assimiler beaucoup plus le cycliste au piéton qu'à l'automobiliste.
-La marche et le vélo ont en effet ceci de commun de n'être pas dangereux pour autrui, de ne pas polluer et d'être bons pour la santé de ceux qui utilisent ce mode de transport.
-Assimiler le cycliste aux autres usagers de la route que sont les deux roues à moteur, les automobilistes et les poids lourds et lui imposer les mêmes contraintes et les mêmes sanctions n'a pas véritablement de fondement, sauf à considérer qu'il utilise une partie de l'espace routier, mais ceci est également vrai pour le piéton lorsqu'il doit traverser la rue.
-Au delà des mesures de caractère réglementaire, il y a tout le domaine législatif. On doit ici s'interroger sur l'opportunité ou non de proposer un véritable projet de loi de portée générale ou choisir une autre solution consistant à intervenir dans différents textes législatifs, y compris par le biais d'amendements.
-Monsieur Vélo aura ici à travailler en étroite relation avec le Parlement, sachant qu'il existe d'ores et déjà, tant à l'Assemblée Nationale qu'au Sénat, des parlementaires sensibilisés à cette question et notamment regroupés dans le cadre des Amicales Cyclistes Parlementaires.

4.4. Les relations internationales

-Monsieur Vélo aura à entretenir et à développer des contacts avec nos principaux voisins européens, qui possèdent une bonne avance sur nous en matière d'utilisation quotidienne du vélo.
-Dans ce cadre, il s'agira de privilégier l'Allemagne avec pour objectif de développer une coopération exemplaire en matière de politique en faveur du vélo, en essayant notamment d'harmoniser les politiques développées de part et d'autre du Rhin.
-On pourra se fixer pour objectif d'aboutir à des signalétiques communes, à des normes en matière d'infrastructure et d'urbanisme, voire également dans le domaine de la fiscalité, pouvant déboucher sur des directives européennes.
-Tout en privilégiant les relations avec l'Allemagne, on ne négligera pas ce qui se passe en Suisse.
-Les efforts développés par l'Italie sont par ailleurs riches aussi d'enseignements, lorsque l'on met en avant les difficultés rencontrées dans les pays latins pour convaincre la population d'utiliser plus systématiquement la bicyclette pour ses déplacements quotidiens, par contraste avec les pays nordiques.
-La Grande Bretagne et les Pays Bas nous indiquent par ailleurs des pistes intéressantes à suivre en matière d'implication des autorités locales ou en matière de financement des infrastructures et d'actions en direction des jeunes dans le cadre des déplacements école domicile.

4.5. La communication
-Le rôle de la communication est ici essentiel, puisqu'il s'agit de parvenir à modifier les comportements et à convaincre un nombre significatif de personnes, notamment les citadins, d’adopter la bicyclette comme moyen de déplacement quotidien.
-Cette communication ne devra pas intervenir avant la mise en œuvre de nouvelles mesures, mais contribuer à les faire connaître et à garantir leur succès. Cette communication, qui mettra en avant les avantages souvent rappelés de la bicyclette, notamment pour la santé, devra aussi rassurer en matière de sécurité et surtout convaincre que le vélo est "la bonne réponse" à un certain nombre d'inquiétudes auxquelles sont confrontés les citadins (pollution, gestion du temps, stress, santé, agressivité,…).
-A cet égard, les exemples étrangers démontrent clairement qu'il s'agit tout à la fois d'expliquer que, pour quelques kilomètres quotidiens, le vélo est le mieux adapté des différents moyens de déplacement, mais aussi que l'on pourra tout à la fois disposer d'un engin pratique, facile à garer et qu'on aura peu de chances de se le faire dérober.
-Faute de préparer tout cet environnement favorable, susceptible d'aider à franchir le pas, une communication incitant massivement à adopter le vélo pour ses déplacements quotidiens n'aura que peu d'effets.
-Cette campagne devra utiliser des supports de diffusion nationaux (notamment télévision et radio) afin de marquer fortement la volonté gouvernementale de développer une politique nationale en faveur du vélo.
-Elle devra aussi être déclinée en province et notamment dans les principales villes concernées. 4.6. Un conseil national du vélo Nous avons eu l'occasion de dire que la France est très en retard en matière d'utilisation de la bicyclette, mais qu'il faudrait probablement peu de choses, en l'occurrence une volonté politique clairement affirmée, pour modifier cet état de fait.
-La bicyclette n'est plus le mode de déplacement du pauvre, elle est à nouveau adoptée par l'ensemble des classes sociales, ne serait-ce que dans le cadre des loisirs ou du tourisme.
-Globalement le vélo a une bonne cote et de nombreuses personnalités des médias, de la politique, de la médecine, du show-biz ou du sport se flattent d'en être des adeptes.
-Sachant le rôle incitateur que pourraient avoir ces leaders d'opinion, il serait sûrement utile de constituer un "conseil national du vélo" regroupant des personnalités de ces différents horizons où l'on pourrait retrouver côte à côte des personnalités comme François-René DUCHÂBLE, Alain PROST, le Professeur CABROL, Michel DRUCKER ou Antoine de CAUNES pour ne citer qu'eux.
-Une réunion annuelle de toutes ces personnalités, sous la présidence du Premier Ministre, des interventions à la télévision et dans les radios, des manifestes signés par l'ensemble des membres dans la presse écrite appelant à adopter la bicyclette au quotidien, fourniraient un appui précieux pour atteindre les objectifs assignés à la Mission Interministérielle chargée du vélo.
-Ces différentes missions réclament, bien évidemment, de l'expérience et une bonne connaissance de ces différents domaines, donc la constitution d'une équipe compétente et polyvalente.
-Mais il apparaît bien que, pour mener à bien chacune d'elles, il faut, par delà l'expérience et la compétence, disposer de l'autorité indispensable.
-Organiser une réunion décentralisée en mobilisant le Préfet et ses services, constituer un Conseil National avec les plus hautes personnalités, développer des relations internationales, imposer rapidement des mesures de caractère réglementaire, établir des partenariats avec les médias nationaux, sont des missions qui supposent de la crédibilité et une "carte de visite" qui permettent d'ouvrir les portes et d'être rapidement entendu.
-Or, si l'on admet que ces différentes actions sont nécessaires pour asseoir une véritable politique nationale en faveur du vélo, il apparaît bien que celle-ci suppose un signal fort de l’Etat.


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