Rapport parlementaire de Brigitte LE BRETHON
5. Des mesures concrètes pour réunir les conditions d’une véritable impulsion et d’une relance de la politique vélo en France

La mission nationale vélo aura à définir les mesures prioritaires à mettre en œuvre pour encourager efficacement la pratique de la bicyclette dans notre pays, relancer les dispositifs qui marquent le pas comme la réalisation du schéma national des vélo routes et voies vertes, donner les conditions d’un transfert massif de la voiture vers le vélo parmi la palette des modes alternatifs.

Nous proposons ici un ensemble de mesures, hiérarchisées en fonction d’un calendrier réaliste et selon qu’elles peuvent être réalisées à budget constant ou non.

Parmi ces mesures, certaines ne sont que la poursuite d’initiatives locales et/ou dispersées, mais nous avons la conviction qu’elles doivent être aujourd’hui amplifiées, voire généralisées (comme par exemple les aménagements de type zone 30)

5.1. Quinze mesures simples et prioritaires

Aménagement urbain, sécurité routière, accessibilité

  1. Encourager et développer les politiques de partage de l’espace et notamment les zones 30 (ou quartiers tranquilles, à priorité donnée à la vie locale, aux déplacements de proximité) notamment par la diffusion de « bonnes pratiques »
  2. Développer les solutions intermodales vélo + transports en commun, notamment dans les zones périurbaines, en fixant des normes de stationnement vélo dans les gares et stations de transports collectifs, en développant les solutions train + vélo à l’instar des pays comme la Suisse et l’Allemagne
  3. Afin d’assurer la continuité des aménagements cyclables sur des territoires institutionnels différents, créer des comités d’axe réunissant décideurs et aménageurs
  4. Engager un programme national visant à équiper les immeubles collectifs d’habitation, basé notamment sur les financements ANAH et HLM et encourager l’inscription d’un quota de stationnement vélo dans l’article 12 des PLU pour assurer le premier maillon de la chaîne de déplacement à vélo, garer son vélo chez soi
  5. Proposer des outils pédagogiques aux collectivités pour la conduite des évaluations des PDU (prévues par la Loi) avec bilans économiques comparés des investissements par mode de transport – inciter à la mise en œuvre de démarches d’évaluation des politiques cyclables selon la méthode Bipa (dotée de financements de la Commission européenne DGTREN)
  6. Renforcer la sensibilisation des professionnels de la route (auto-écoles notamment)

    Développement local
  1. Impulser la réalisation des Plans de déplacements d’entreprise et la prise en compte du vélo dans ces plans : l’Etat pourrait se doter d’une politique propre de réalisations et d’évaluation de PDE pour ses services (méthodologie, coordination nationale et régionale…)
  2. Sensibiliser les partenaires sociaux, notamment dans le cadre de PDE, à l’intérêt, l’efficacité et la souplesse d’initier un volet vélo et les salariés au bénéfice personnel et collectif des déplacements à bicyclette. Ces actions pourraient se situer dans une démarche plus globale sur la mobilité alternative et l’incitation des partenaires sociaux – entreprises et syndicats – à développer des actions concrètes pour contribuer à relever, ensemble, ces défis socio-économiques
  3. Pour la réalisation de nouveaux pôles générateurs de trafic, subordonner la délivrance d’un permis de construire à l’existence d’une desserte par une ligne de transports collectifs et/ou un accès cyclable
  4. De même pour les grands événements, subordonner les autorisations à la réalisation de navettes bus et de parcs vélo
  5. Vélo et commerces de proximité : prescrire des quotas de stationnement vélo sur l’espace public dans les zones commerçantes de centre-ville et dans les espaces commerciaux privés
  6. Encourager le vélo dans les zones touristiques pour les déplacements de proximité, notamment par la promotion des bonnes pratiques
  7. Favoriser les actions en faveur des déplacements doux domicile école en informant les établissements scolaires sur l’organisation de Plans de déplacements écoles, en promouvant les réalisations réussies
  8. Prescrire des normes de stationnement vélos dans les nouveaux établissements scolaires (écoles, collèges, lycées) et dans les universités. Prescrire également la réalisation d’itinéraires cyclables pour la desserte de ces établissements
    Incitations économiques

    -Préambule : La baisse de la TVA sur les bicyclettes nous semble une mesure très coûteuse pour l’Etat et d’un impact incertain sur l’usage.
    - Aussi préconisons-nous de ne pas investir cette piste plus avant et de recommander, en revanche, de restaurer les crédits du ministère de l’Equipement consacrés au financement des réalisations dans le cadre des PDU dans les Lois de finances pour 2005 et suivantes. Rappelons que ces réalisations – réseaux cyclables, stationnement dans les pôles d’échanges, actions innovantes – étaient éligibles aux subventions d’Etat depuis 2001 (circulaire du 10 juillet 2001.
    -L’enveloppe consacrée à ces dotations - qui permettait de financer 35% du coût total - a diminué de 85% dans le Budget 2003 passant de 85 à 13,5 millions d’euros (hors PDU d’Ile-de-France dont la dotation est de 10 millions d’euros) et la ligne budgétaire a été supprimée dans la Loi de Finances pour 2004. Nous soulignons également la nécessité de préserver les financements pour les véloroutes et voies vertes et les aides aux associations, au regard du rôle important qu’elles jouent dans le dispositif actuel de sensibilisation et qu’elles seront amenées à jouer plus encore à l’instar de leurs homologues allemandes et ainsi que nous le préconisons. La diminution des subventions y compris dans le cadre de Conventions pluriannuelles d’objectifs, conduit aujourd’hui ces associations d’usagers à reconsidérer leurs actions à la baisse.
5.2. Des propositions d’actions et de modifications réglementaires

qui nécessitent une analyse approfondie que pourra engager sans délai la mission nationale

Modifications législatives et réglementaires
  1. Prendre en compte dans l’article R.417-11 l’arrêt et le stationnement sur les aménagements cyclables et les trottoirs : stationnements dangereux punis d’une contravention de 4ème classe.
  2. Doter les voies vertes d’un statut juridique
  3. Généraliser les contresens cyclables (réglementairement « voie à double sens dont un sens est réservé aux cycles ») et l’accès aux vélos des couloirs bus sauf décision contraire motivée du maire ou de l’autorité investie des pouvoirs de police
  4. Relancer la réalisation du schéma national des vélo routes et voies vertes susceptibles d’encourager le vélo utilitaire par les traversées d’agglomérations et la réalisation de liens entre les villes et, bien sûr, l’activité et la fréquentation touristiques locales
  5. Permettre un déploiement massif du jalonnement des itinéraires cyclables sur le territoire national, engager une cohérence avec les dispositifs voisins notamment avec l’Allemagne, favoriser une appréhension du produit touristique et pas seulement de l’infrastructure
  6. Assurer l’application de l’article 20 de la Loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie (LAURE) en précisant son cadre, en sensibilisant les décideurs (la décision de la Cour Administrative d'Appel de Lyon de juillet 2003 suite au recours d’une association locale contre une ville apporte un éclairage nouveau et favorable au vélo). Inciter les municipalités et associations à engager une concertation sur l’interprétation de cet article pour un ensemble de projets de voirie et inscription de ces réalisations dans le budget annuel
  7. Développer les compétences requises pour mettre en œuvre aux niveaux national et local ces dispositions : inscrire des modules obligatoires consacrés au partage de la rue, à la modération de la vitesse automobile et aux aménagements piétonniers et cyclables dans les formations initiales et continues des techniciens et ingénieurs de l’Etat et des collectivités territoriales… Ne pas oublier les formations aux professions d’architectes, paysagistes et urbanistes
  8. Education routière : ajouter au Brevet de sécurité de circulation routière (BSCR) une épreuve théorique sur le Code de la Route et une épreuve pratique à vélo
  9. Lutter contre le vol avec la mise en place d’un système de marquage au plan national
  10. Revoir les dispositions réglementaires actuelles relatives à la sécurité des rassemblements sportifs et à l’occupation de la voie publique. Mettre en œuvre une véritable coordination nationale des référents préfectoraux. Il faut engager, sans délai, une analyse fine des conséquences des obligations réglementaires sur le terrain de la sécurité et l’évaluation de leur bénéfice et de leur impact négatif sur la capacité des associations à maintenir leurs animations en s’y conformant.

    Incitations économiques
  1. Créer une dotation pour accélérer et encourager les aménagements cyclables du réseau routier national afin de prendre en compte les cyclistes, supprimer les effets de coupures, notamment dans les zones périurbaines, induites par les grandes infrastructures (routières, ferroviaires, etc.) et « rattraper » ainsi le retard accumulé pendant les 30 dernières années
  2. Simplifier et adapter les barèmes de réduction d’impôts pour frais de déplacements professionnels (frais réels), de sorte de favoriser les usagers faisant leur trajet domicile travail à vélo, réduction du nombre de tranches, indexation de la réduction d’impôt sur la distance quel que soit le mode de transport choisi (l’Allemagne et la Belgique ont effectué cette réforme, l’Allemagne très récemment, dans le cadre de son plan stratégique national pour le vélo)
  3. Favoriser fiscalement l’usage de la bicyclette pour ces déplacements domicile travail avec possibilité pour les entreprises d’indemniser les salariés qui optent pour le vélo, en prenant en charge la mise à disposition du vélo avec possibilité d’amortissement. Ex. en Belgique, il existe une indemnité kilométrique vélo.
  4. Inciter et stimuler la mise en place de services que le marché actuel ne rend pas encore solvables – gardiennage, location, réparations… - par des aides à l’emploi, des exonérations
  5. Organiser une meilleure répartition des crédits de recherche, notamment dans le cadre du Predit, au profit des modes de déplacements non motorisés. Le rééquilibrage des budgets de recherche en faveur des modes non motorisés aura un impact non négligeable sur l’attrait de cette filière et l’enseignement des cadres techniques.

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